Peter Kogler: Des Fourmis et Des Signes
Auteur du skatepark de la Porte d'Italie dans le cadre de la commande publique liée au Tramway T3 au sud de Paris, deux fois participant à la Documenta de Kassel ainsi qu'à de nombreuses manifestations internationales, l'artiste viennois développe depuis une vingtaine d'années une démarche qui implique la prise en compte d'une série de motifs récurrents qui créent un paysage mental.
Fourmis, cerveaux, globes terrestres, ampoules et entrelacs déclinent des éléments de vocabulaire avec leurs variations tout en restant d'une facture épurée, littéralement essentielle. Modélisés par ordinateur puis organisés sur toute surface utile et dans l'espace sous forme bi et tridimensionnelle, ces éléments constituent autant de métaphores du social. Leur dimension obsédante explique aussi la facilité avec laquelle ils peuvent réactualiser des contenus psychiques : ce qui n'est sans doute pas innocent si on se rappelle que Vienne a vu naître la psychanalyse au début du siècle. Et c'est là aussi que la question de l'ornement a été posée avec le plus d'acuité. Grâce à Peter Kogler, la fourmi a pris une place de choix dans le panthéon des formes consacrées par l'art moderne, tout comme le cerveau. Mais l'élément d'anatomie qui l'obsède n'est plus la boîte crânienne mais son contenu. On pourrait parler de l'intérêt pour sa plasticité mais ce qui s'impose d'emblée est le lien intrinsèque entre l'esprit et la matière que l'usage de ce symbole induit.
Pour cette exposition l'artiste envisage d'intervenir aussi bien sur les murs que dans l'espace en permutant ces motifs depuis le tableau jusqu'au mobilier usuel, table, banc, signant ainsi sa vision élaborée de la sculpture. Il y a indéniablement chez Peter Kogler tous les ingrédients d'un système dont les cases sont soigneusement répertoriées. Sans doute est-il l'un de ceux, peu nombreux, qui arrivent à un dépassement esthétique constant car il ne se laisse jamais enferrer dans une position de retranchement mais mord au contraire sur les marges et étend les contours de sa propre géographie dont le relief est comme celui de son pays, composé de montagnes et de vallées.
Ce qu'il entreprend à chaque intervention n'est qu'une volonté de différer, de déplacer, non pas dans le sens des arrangements avec du même, mais dans le sens purement dialectique des avancées depuis toujours propres au modernisme viennois
Ami Barak, commissaire de l'exposition