Tony Oursler
Les œuvres de Tony Oursler ne se limitent pas à l’image vidéo proprement dite, elles constituent des dispositifs complexes investissant la sculpture, le dessin, l’installation et la performance. Dans les années 90, ses installations mettent en scène des sculptures-écrans dans l’espace d’exposition. Des visages difformes déclamant des monologues incompréhensibles, sont projetés sur des poupées, sur des objets ou sur tout type de support inattendu. Cette série des Talking Heads se développe ensuite dans la série Eyes où l’artiste projette cette fois-ci des yeux sur des sphères dispersées dans le lieu d’exposition. Ces yeux dont on perçoit la dilatation des pupilles, les reflets de l’iris ou simplement les battements de paupières, semblent observer tantôt le vide tantôt le visiteur. Cet échange de regards inquiétant entre l’œuvre et son public, cette relation synecdochique où l’homme est réduit symboliquement à un œil, manifeste l’une des préoccupations centrales de l’œuvre de Tony Oursler : l’individu spectateur d’une société virtuelle soumis à une production exponentielle d’images qui brouille les limites entre réel et fiction.
Depuis ses débuts, Tony Oursler explore les rapports aliénants entre l’humain et sa production culturelle. Son œuvre a ainsi traité un certain nombre de thèmes récurrents tels que la violence, le sexe, la religion, l’argent, la famille, les médias, etc. Il y est généralement question de l’homme, réduit au statut de marionnette, de poupée, au corps torturé et fragmenté, dans des situations absurdes, extrêmes et tourmentées. Il y a ainsi chez Tony Oursler une attraction pour les situations limites, déstabilisantes. Cette attraction que partage toute une génération d’artiste américain, tel Mike Kelley avec qui Tony Oursler fonda le groupe de Rock-Punk The Poetics, se traduit chez Oursler par une volonté « d’esthétiser une faillite de la culture[1] ».
Après sa rétrospective au Jeu de Paume en 2005, la JGM. Galerie est heureuse d’inviter Tony Oursler pour une nouvelle exposition personnelle à Paris. Cette première collaboration sera l’occasion pour le visiteur de découvrir à travers une dizaine d’œuvres la richesse et la diversité des expérimentations menées par l’artiste américain depuis vingt ans. Ainsi, une figurine fragile animée par une projection vidéo (Skin, 1994) côtoiera un monstre composé de huit yeux et une bouche (Star, 2005), tandis que Million miles (Orbital screw), 2007, nous plongera dans une exploration cosmique. Enfin, ce sera l’occasion de découvrir des œuvres inédites de sa récente série intitulée Peak. Ces dernières se présentent comme des microcosmes où s’agglomèrent des objets, des matières et des images vidéo qui témoignent des relations obsessionnelles qu’entretient l’humain avec l’ordinateur et plus généralement le monde virtuel. Ces œuvres sont vues par l'artiste comme une extension physique de son exposition "Oursler’s Valley" au Musée des médias numériques d’Adobe (Ouvert le 6 octobre 2010 - www.adobe.com/adobemuseum). Cette exposition examine et évoque le royaume de l'Inquiétante Etrangeté, tirant ses interprétations d'Ernst Jentsch, Sigmund Freud et Masahiro Mori.