Tony Oursler: Phobic / White Trash
Tony Oursler et Mike Kelley ont collaboré à de nombreuses reprises durant leurs carrières depuis la formation du mythique groupe protopunk the Poetics au California Institute of the Arts en 1976. Oursler invita notamment Kelley à participer à sa série des Dummies, au début des années 1990, dont Phobic/White Trash est issue. Créée à New York et Los Angeles en 1992, cette installation théâtrale juxtapose les propos de deux personnages installés aux deux extrémités d'une pièce, qui interagissent et s'interrompent dans un babillage permanent. Les deux bandes sonores sont des commentaires sur le paysage tentaculaire, chaotique, pollué et quasi-fictif que représentent les zones périurbaines américaines. Kelley raconte une série de fables qui se concluent toutes sur un dilemme claustrophobe baigné d'angoisse, qui amène le spectateur, auquel il s'adresse directement, à s'identifier à une personne en situation de phobie. Oursler adopte le point de vue d'un paysage domestique en détérioration et met le spectateur dans la posture d'une caméra flottant dans l'espace.
Dans une interview d'Elizabeth Janus publiée cette année-là, Oursler dit : "Je pense beaucoup à la façon dont les récits, le temps médiatique, la caméra, les films, ont réellement modifié le monde, au fait qu'ils sont devenus la quatrième dimension de notre espace. J'ai tenté de créer des personnages qui pourraient exister dans les mondes intérieur et extérieur, littéralement, tels des voyants que l'on ne voit pas et qui ne peuvent pas nous voir. C'est quelque chose qui transparaît dans Phobic et White Trash."
Avant d'ajouter : "Ces oeuvres sont un pont entre deux sous-ensembles de mon projet des mannequins: la série des "films" et la série basée sur les états psychologiques. Ces deux sous-ensembles s'entrecroisent dans une mare de sang, si j'ose dire; ou, pour être plus clair, dans mon intérêt permanent pour la violence. J'interroge l'impulsion pour reconstituer un traumatisme de violence extrêmement élaboré, une violence qui prend de dimension rituelle, et pour savoir s'il s'agit d'une façon ou d'une autre d'un service positif que les médias rendent au public, ou si nous sommes tous engagés dans une espèce de cycle malsain. Quoi qu'il arrive, la mort et la peur de la mort semblent être de grandes sources de motivations."
Phobic/White Trash a été exposée au Centre d'art contemporain de Genève (1993), au Kunstwerke de Berlin, et à la galerie Andrea Rosen à New York. Elle sera présentée pour la première fois en France à la galerie Campoli Presti qui invite pour l'occasion la JGM. Galerie.