Sui Jianguo: Dream Stone
Né en 1956 à Qingdao dans la province de Shandong, il vit et travaille à Pékin et poursuit une carrière remarquable en exposant régulièrement en Chine mais aussi en Australie, à Hong Kong, en Inde, à Taiwan, et plus récemment aux États-Unis. Il mène parallèlement une importante activité pédagogique comme professeur au département de sculpture à l'académie centrale des beaux arts de Pékin ce qui dans son pays n'est pas dépourvu d'importance. L'artiste est connu pour son intérêt majeur pour la sculpture. Il met constamment à profit la puissance symbolique des matériaux en travaillant le granit, l'acier, ou la terre. Ceux-ci invoquent non seulement son expérience subjective, mais aussi un passé récent et sombre dont il a connu de près et subi les avatars. Ses oeuvres ont une présence matérielle et esthétique forte, elles animent un questionnement continu de l'histoire contemporaine chinoise et du destin de son pays et de ses habitants. La maîtrise technique caractéristique de ses oeuvres crée une association et une confrontation entre les matériaux, en résonnance avec sa perception de la vie et sa compréhension approfondie de l'histoire de la sculpture.
Sui Jianguo s'est fait connaitre dans le monde entier en utilisant sous forme d'exorcisme l'iconographie maoïste et tout particulièrement la fameuse veste du président Sun Yat Sen, porté par le camarade président. Il est de ce fait perçu comme un interprète majeur de la manière dont la transition économique s'est reflétée dans l'art. Ses oeuvres passées et récentes entrainent les spectateurs à percevoir que les changements dans le contexte créent des transmutations de sens. L'une des oeuvres clé produite spécialement pour son exposition à Paris reflète ainsi de manière emblématique la façon dont l'artiste repose les questions complexes liées aux transformations tant sociales qu'économiques tout en abordant des interrogations relatives au domaine de la sculpture actuelle. Dream Stone, 2010 est au départ un joli caillou glané sur un chantier. Il est scanné, magnifié des centaines de milliers de fois et usiné ensuite par la découpe au laser d'un feuilletage monté en nids d'abeilles. L'artiste obtient ainsi une oeuvre monumentale qui traite à la fois de son adéquation au présent et des métamorphoses induites par les nouvelles technologies. Il le fait sans pour autant brader sa considération de la persistance des valeurs culturelles propre a l'héritage national.
Les oeuvres choisies pour cette exposition offrent un éventail significatif de la diversité de ses approches en matière de sculpture. Elles font indéniablement la preuve d'un talent et d'une intelligence artistique remarquables. Reproduit avec soin en bronze, l'esclave michelangelien revêt malicieusement la fameuse veste mao et constitue un rappel du chamboulement qu'ont représenté le contemporain et la façon paradoxale qu'ont les artistes chinois de manier les outils académiques pour conceptualiser leurs discours. Le tapis enroulé révèle quant à lui sous un éclairage dramatique, une oeuvre puissante et obsessionnelle réalisée à partir de milliers de clous qui traite insidieusement de la violence et de l'idée de répétition et de série dans le travail. L'enseigne en néon, purement conceptuelle, clame son désormais si familier "Made in China" symbole des temps actuels, son pays ayant du mal à imposer ses propres marques mondialisées mais essaimant partout et sans répit son label global. Last but not least, Sui Jianguo offre dans cette exposition parisienne un aperçu saisissant de ses recherches sur l'écoulement inexorable du temps. Ceci est matérialisé par une oeuvre performative et abstraite dont la taille augmente continuellement puisque l'artiste la nourrit quotidiennement et de manière répétitive d'une strate de laque, une autre matière qui puise sa source dans la tradition.
Ami Barak, Commisaire de l'exposition