
Roberto Matta
H 57 1/2 x 82 1/4 in
"Ce tableau marque la fin d’une période où sa peinture était peuplée de figures hiératiques, presque menaçantes ou autoritaires — ce qu’il appelait Les Juges. L’« objet du dialogue » trône au centre de la composition sous la forme d’une sphère proche de la cellule ou de l’embryon. Les figures anthropomorphes totémiques figées dans des postures rigides, presque insectoïdes, tentent de s’approprier cet objet, sans compromis, chacune incarnant une fixation du pouvoir. On ne doit pas oublier le contexte tout à fait particulier de la guerre froide qui nourrit les œuvres de Matta à cette époque où les dynamiques de l’affrontement Est-Ouest, ou Nord-Sud, connaissent une transformation profonde, en Europe, en Asie ou en Amérique latine. L’idée qu’aucune solution n’existe en dehors du dialogue est à mettre en rapport avec l’œuvre de son ami le poète et philosophe Édouard Glissant qu’il rencontre en 1955-1956 dans les cercles de la galerie du Dragon à Paris. Cette amitié le conduit à interroger profondément la philosophie de la relation et la condition du bouc émissaire. La préface de Glissant à l’exposition Terres nouvelles en juin 1956 reprend la thématique de cette pensée de l’identité-relation, de l’identité-rhizome : « L’espace est devenu le lieu d’une souffrance, qu’il faut résoudre […] chemins de Matta, chemins vers l’autre ; chemins du langage profond ». L’« objet du dialogue » est un tableau qui met en scène la dimension de l’échange et du compromis comme seul futur désirable." (Fabrice Flahutez)