Edi Hila: Prince of the Lake
Figure majeure de la scène balkanique, Edi Hila témoigne depuis le début des années 90 des profonds changements vécus par les sociétés postcommunistes européennes. Ayant refusé d'émigrer vers un pays économiquement plus riche, il vit à Tirana, où il développe un travail de réflexion sur la nature transitoire de l'histoire de son pays (frontière naturelle entre occident et orient) et sur la position de la peinture albanaise dans l'histoire de l'art méditerranéenne. En un peu plus d'une vingtaine d'année, la peinture d'Edi Hila s'est imposée comme une référence en Europe. Son usage de la photographie comme base de travail, ses sujets historiques teintés d'ironie et de mélancolie, sa peinture d'une apparente austérité, usant d'une palette toujours restreinte et souvent monochromatique, l'ont conduit dans le cercle fermé des plus grands peintres contemporains. L'historien français Eric de Chassey n'hésite pas à évoquer la comparaison avec le maitre de la peinture belge Luc Tuymans. Cette reconnaissance récente de l'importance de l'oeuvre d'Edi Hila dans l'histoire de la peinture contemporaine s'est traduite par sa participation récente à la Documenta 14, puis à ses rétrospectives successives au Musée d?art moderne de Varsovie (2018), à la National Gallery of Arts de Tirana (2019) et à la Secession à Vienne (2020).
Le titre de l'exposition Prince of the Lake est aussi le titre de la première peinture d'une nouvelle série initiée en 2020. Motif de prédilection de l'artiste, l'architecture est un vecteur de sens dans toute son oeuvre. En effet, pour Edi Hila, l'architecture est une source inépuisable de connaissance d'une société, son observation nous révèle son histoire politique, sa culture esthétique, sa situation économique et même une dimension psychologique. Ayant connu le désenchantement d'un pays en pleine reconstruction, Edi Hila souligne avec ironie la mégalomanie et les anachronismes des récentes réalisations architecturales portées par la nouvelle culture libérale de son pays.
House in Korça, 1945 est une autre série réalisée en 2020 dans laquelle Edi Hila se remémore la violence des expulsions imposées à la population de la ville de Korça en Albanie durant la Seconde Guerre mondiale. Ces maisons vides, abandonnées dans la précipitation, sont les témoins d'une vie révolue. Les peintures de cette série offrent au visiteur une vision désertique et fantomatique de ces maisons. Avec son traitement symbolique et abstrait, Edi Hila transforme des scènes d'intérieur ordinaires en une succession de paysages mentaux, mélancoliques et méditatifs.
Open Museum est une série de peintures commencée en 2018 en réaction à la vague d'attentats que l'Europe a connu entre 2015 et 2017. Ces visions inquiétantes retracent l'histoire de notre civilisation sous le prisme de la violence : des armures médiévales, une armoire remplie d'armes ou encore le métro de Tirana en feu. Si le sujet de ces oeuvres est à la fois figuratif et allégorique, leur construction visuelle est très architecturée, rigoureuse et sans concession, à la limite de l'abstraction.
Edi Hila est né à Shkodër, en Albanie, en 1944. Il a participé à de nombreuses autres expositions internationales telles que la Biennale de Venise (1999), After the Wall au Moderna Museet à Stockholm (1999), au Hamburger Bahnhof à Berlin et au Ludwig Museum à Budapest (2000), Blood & Honey, The Future's in the Balkans sous le commissariat de Harald Szeeman au Essl Museum à Vienne (2003), la Biennale de Liverpool (2010) ou encore la Documenta de Cassel et Athènes (2017). Ses oeuvres sont présentes dans les collections du Musée national d'art Moderne - Centre Pompidou, du FRAC Pays de la Loire, du FRAC Auvergne, du Fonds Municipal de la ville de Paris, de la Neue Gallery à Cassel, du Musée d'Art Moderne de Varsovie et du Van Abbemuseum à Eindhoven.